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Les vagues argentées
Le lointain dans les violets
La mer dans le gris bleu

Les yeux fermés on voit la mer
Je m'évanouis dans la mer et le ciel et le bruit du vent
C'est une sensation d'éternité

Quelques bateaux
Les pêcheurs au loin
On les voit sur des petits rochers comme des cormorans
Comment font-elles, les voiles blanches, pour être toujours à l'horizon ?

La mer est bleue et verte et scintille au soleil
Le ciel d'un bleu laiteux
Un peu de vent

La mer monte
Le temps est la tristesse qui s'écoule
Tout le monde est heureux
Tout le monde vient de naître

Les enfants nous oublient
On entend leurs cris
L'océan redescend

A et B vont lentement l'un vers l'autre sans se rendre compte de ce qu'ils font
Dans la lumière aveuglante du soleil l'océan n'est plus qu'une ébauche
Prairie infinie de sable sans haie ni bordures et sans les vaches qui mâchent
Vibrations des ailes d'un cerf-volant dans le vent

Tu me donnes la main ?
On revient demain


(Poème plagiaire n° 320, variation sur « A la plage », émission radiophonique de Elise Andrieu)


*
J’avais beaucoup bu. Je continuais à boire debout. Je voulais rester debout. A un moment c’était devenu nécessaire je me suis appuyé contre le mur. Ainsi étayé je me suis dit que si seulement les autres parvenaient à m’oublier, à faire leur deuil, à m’oublier au point de ne se souvenir de moi qu’à partir d’un tout petit nombre de photographies (ou autres événements factices qui pareillement laissent des traces), alors il ne serait pas forcément nécessaire d’amener ma destruction jusqu’à son terme. Et je me suis lentement affaissé en glissant contre le mur.

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On pourrait commencer par là, en emmenant avec soi des paysages entubés, traversant les reflets de brume basaltique des monts doux de la haute Bretagne, à la recherche de l'endroit pour poser le chevalet et faire jaillir la toile. Où serions nous ? Nous serions là où nous nous trouverions. Comment parvenir à une telle conjonction ?

*
Une sorte de nuage minéral, les lois de la gravité et de la répulsion ne s'appliquent pas, tout est un, la toile et le dit de la toile flottent eux même en l'espace ouvert et hermétique comme une de ces pensées qui vous trottent derrière la tête sans jamais s'y poser. L'odeur coloriée des grands arbres que retiennent leurs racines, l'empreinte des membranes de leurs feuilles dans le brouillard aux traits doux, la rumeur ancienne des étoiles, tout est un, rien n'est plus regard. L'alchimiste a déposé son pinceau, on le retrouvera plus tard mort et moisi par l'humide il avait enfoncé profond son visage dans la toile et au revers avait peint des deux mains la lueur mince que nous ne pouvons voir et qui sépare le jour de la nuit.