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La neige tombe
Des fragments par millions
Forment muettement
Le tout blanc

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Le mépris crée sans cesse
De nouvelles espèces

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Pour fixer des choses légères, comme des feuilles et des fleurs, sur un support un peu dur, pensez aux épines qui remplaceront avantageusement clous et punaises. Les longues épines, comme celles du pin, serviront elles d’aiguilles avec lesquelles vous attacherez ensemble les fleurs et les feuilles. Prenez l’habitude d’en ramasser régulièrement et de les conserver dans une petite boîte, histoire d’en avoir toujours sur vous.

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Elle ouvre parfois et ferme les cils
Geste d’oiseau d’autrefois
Noir est l’iris du fusil
Qui sans fracas sonne mon glas

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Trouvé entre les pages d’un recueil auquel il rajoute son opus végétal, ce trèfle à quatre feuilles apparaît, arbre immense et africain, comme dessiné à côté du poème qu’il habille. Sa quatrième feuille (comment la reconnaître ?) s’arrondit deux fois comme le fuselage horizontal d’un boeing.

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Bonheur à tiroir. Bonheur de l’avoir trouvé, bonheur plus profond encore de comprendre qu’une telle trouvaille se produit plus souvent en errance bibliophile qu’en équipée botaniste.

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Montagne, solitude, refuge d’hiver en octobre. Il a fait très beau. La nuit tombe très tôt, le froid est là. Pas de bougie. A sept heures du soir je me couche pour une nuit de sommeil profond qui demain, quand je me réveillerai, aura duré quatorze heures. Je ferai ma toilette glaciale dans un ru et une lumière d’or. Puis, par bonds successifs dafgns les pierrjhgjiers qui coulissent je rejoindrai le seqntier mille mètres plus bas.

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A cause du chaton ça devient de plus en plus comjhvpliq&ué d’écdqrire même ces histdsoires courtes, il travhgerse sans cesse le clazyuopvier et s’obstine maintenant à enlkoyer mon crayochgn par ter

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L’homme qui en vain court toujours après lui sous la pluie au matin blême sans parapluie sur les pavés glissants est heureux chaque fois de constater que l’AUTOBUS ne l’a pas attendu pour l’emmener à un travail qui ne l’aime pas.

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1989 je me souviens
Ourson sur le chemin
Peluche entre l’Est et l’Ouest
Oubliée en chemin

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Je l’ai acheté tout petit, minuscule
Je l’ai beaucoup joué
Arrosé de notes et d’amour
Amour pour ses touches d’ivoire ses tendons d’acier sa pédale douce et sa façon si juste de rendre la main gauche de Chopin.
Et le piano, grande queue
A grandi jusqu’à devenir adulte.
C’est là, aujourd’hui, autour de lui, que je vis.

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Je le montre à l’huissier. Qu’importe l’huisserie lui dis-je, qu’importent les murs et l’escalier, je vous aiderai à démolir tout cela, à deux on s’aidera le piano passera. Le type a pris cet air ennuyé que j’adore et que prennent tous les huissiers qui s’apprêtent à payer mon loyer. 

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On prend auprès de moi des nouvelles de moi comme si c’était quelqu’un d’autre que moi.

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Dans une tentative désespérée (mais réussie à ce jour), Mamie de Ronquerolles et Mamie de Corenc sont très tardivement devenues de Pontcharra et de Sirod.